Vers un art interopérable ?
L’École nationale supérieure d’art et de design de Nancy est implantée sur le campus ARTEM. Elle est co-fondatrice de l’Alliance ARTEM. Au départ du concept de l’alliance ARTEM se trouve la question de l’interdisciplinarité.
L'Alliance ARTEM part du principe que la créativité est essentielle dans tous les domaines et que l’interdisciplinarité permet d’appréhender des questions globales et complexes qui échappent aux disciplines isolées. La question du développement durable est par exemple nécessairement d’ordre transdisciplinaire et impose des approches interdisciplinaires.
Grâce à l’alliance ARTEM, trois établissements d’enseignement supérieur, dans des domaines apparemment très éloignés et sans rapports, se proposent de croiser leur cursus afin d’offrir aux étudiants le potentiel d’une approche interdisciplinaire. Il s’agit d’éclairer et d’enrichir mutuellement des disciplines relevant des champs habituellement séparés de la technique, du sensible et de l’entreprise.
La recherche-création que nous nous proposons de développer dans le cadre du programme de l’école offshore vise à décentrer cette perspective interdisciplinaire en abordant la relation entre les disciplines sous l’angle inédit de l’interopérabilité.
L’interdisciplinarité est au cœur du campus ARTEM à Nancy depuis sa fondation. Pouvons-nous imaginer aujourd’hui des formes nouvelles d’interopérabilité ?
L’interopérablité est un concept central dans de nombreux domaines d’activité aujourd’hui. Il est au principe même du développement d’outils ou de services capables de fonctionner ensemble.
L’interopérabilité suppose des protocoles communs et transparents tout en facilitant l’originalité des fonctionnalités, des usages et des interfaces. Si vous avez par exemple un abonnement téléphonique SFR vous pouvez aussi communiquer avec les personnes abonnées chez Orange ou Free, mais les options et les tarifs peuvent être différents chez l’un ou l’autre des opérateurs. Leurs réseaux sont interopérables mais leurs services sont autonomes.
A l’opposé, la plupart des grandes plateformes numériques ne sont pas interopérables. Sur Facebook les abonnés ne peuvent communiquer qu’avec des personnes également inscrites sur Facebook. On parle de «silos» propriétaires. En ce sens il faut opposer «plateformes» et «protocoles». Les plateformes se constituent sur la base d’«enclosures» (pour reprendre le terme qui décrit la privatisation des terres au début de la révolution industrielle en Angleterre), là où les protocoles préservent les biens communs et rendent possible l’interopérabilité.
L’interopérabilité a donc des implications économiques et politiques, voir idéologiques, tout à fait déterminantes. Peut-être également une dimension esthétique.
Peut-on penser et pratiquer l’interopérabilité dans le champ des pratiques artistiques ? Peut-on imaginer des œuvres qui soient interopérables ? Peut-on développer des propositions artistiques qui opèrent dans d’autres contextes que celui du milieu de l’art ?
Ces questions font suite à la réflexion engagée avec le séminaire «Encapsulations» mené pendant la session 2020-21 de l’école offshore.
L’interopérabilité ne sera pas abordée comme une thématique ou une problématique, mais plutôt envisagée en tant que méthode. Dans le cadre de ce programme l’interopérabilité n’est pas un dogme mais une hypothèse. Notre recherche ne prendra pas la forme d’une enquête sur les propositions artistiques interopérables, et elle n’aura pas l’ambition d’une thèse sur les enjeux esthétiques des pratiques interopérables. Il s’agira essentiellement d’encourager et d’accompagner des modes d’implémentation interopérables, d’en observer les effets et de les documenter.