Vers une université buissonnière ?
Le programme de recherche-création de l’école offshore, post-diplôme de l’école nationale supérieure d’art et de design de Nancy, s’inscrit cette année dans le cadre de Esch 2022, capitale européenne de la culture. Notre point de départ a été la reconversion du site industriel de Belval en campus universitaire, et le transfert de l’un des hauts-fourneaux vers la Chine, où se déroulent habituellement les sessions de l’école offshore. Il nous semblait que cette reconversion était exemplaire pour observer concrètement le passage du capitalisme industriel au capitalisme cognitif en confrontant avec les outils et les méthodes de l’art deux enquêtes de terrain, sur le campus universitaire de Esch-Belval et autour de l’ancien haut-fourneau déplacé à Kunming, dans le Yunnan. Mais c’était prendre le risque de regarder en arrière car cette grande transformation de l’économie est déjà derrière nous. Et de fait nous avons appris que le haut-fourneau de Kunming avait été fermé en novembre et qu’une exposition de photographies y était organisée en décembre. Par ailleurs, les éléphants qui ont défrayé la chronique en migrant vers Kunming avant le sommet mondial sur la biodiversité, sont venus nous alerter sur d’autres questions et nous inviter à d’autres stratégies.
La visite de la bibliothèque du nouveau campus a finalement ouvert une nouvelle perspective. Nous nous sommes demandés si l’aménagement de cette bibliothèque dans un ancien bâtiment industriel, certes représentative d’un déplacement des enjeux de pouvoir, de production et de profit, ne relevait pas en réalité une conception ancienne de l’enseignement. En dépit de l’intelligence des architectes et de l’élégance des espaces, cet outil magnifique est-il vraiment adapté aux formes pédagogiques que nous pratiquons déjà, avec ou en dépit des institutions ?
Que serait donc la prochaine université souhaitable ? Ni un campus en dur de l’âge du contrôle, ni un réseau de l’âge du marché de l’éducation, ni une plateforme numérique de l’âge de la captation. Peut-être une manière d’associer librement en modules disséminés, sans hiérarchie ni évaluation, et sans frontières, tous les désirs de savoir en partage ? Une nouvelle école mutuelle, une université buissonnière ?
Notre tentative collective va donc simplement consister à activer au fil de l’année quelques uns de ces modules d’interactions souhaitables, à notre manière, selon nos questions, nos expériences et nos besoins, en des lieux encore indéterminés, avec des partenaires encore inconnus, et selon des méthodes encore imprévisibles.
Sans prendre le temps d’une critique méthodique de l’état des lieux présent, sans prétendre dresser la carte d’un futur idéal, nous allons simplement tenter ici ou là quelques modalités de coopérations apprenantes, entre nous et avec les personnes que nous rencontrerons et que cela pourra concerner.
La «poster session» organisée au Casino Luxembourg le 14 janvier 2022 ne constitue pas un résultat mais un point de départ. Une interface pour des discussions ouvertes sur des stratégies d’émancipation pairagogiques. Les différents posters sont envisagés comme des tableaux du possible à partir de recherches artistiques singulières, qui se croisent pour le temps d’une session de l’école offshore.